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30Juil/18Off

Le paradoxe de la propriété intellectuelle

La propriété intellectuelle occupe une place centrale dans l’économie de l’immatériel. En effet, dans une économie où les idées priment, où c’est l’innovation qui crée de la valeur, il est normal que les acteurs cherchent à protéger ces idées ou, à tout le moins, le bénéfice économique qu’ils peuvent en tirer. La propriété intellectuelle doit donc normalement permettre de garantir la rente temporaire qu’une entreprise peut tirer d’une innovation. De fait, on constate une multiplication du recours aux instruments juridiques destinés à protéger cette propriété intellectuelle, notamment les brevets et les marques. Pour autant, cette protection apparaît de plus en plus fragile et complexe à mettre en œuvre. La remise en cause de l’intégration verticale des entreprises et le recours croissant à la sous-traitance de la production dans des pays émergents font que les entreprises ont beaucoup plus de mal à éviter la copie de leurs produits et la récupération de leurs innovations par d’autres producteurs. D’après l’organisation mondiale des douanes, la contrefaçon dans le monde serait passée de 5,5 Md $ en 1982 à plus de 500 en 2005, ce qui équivaudrait à environ 7 % du commerce mondial. Le phénomène prend de l’ampleur dans de nouveaux secteurs : pharmacie, logiciels… Dans d’autres domaines, les faibles coûts de reproduction associés aux nouvelles techniques de diffusion, en particulier Internet, facilitent grandement le piratage d’œuvres et des produits dématérialisés, au mépris des règles applicables en matière de propriété intellectuelle. Ainsi, le nombre de morceaux de musique circulant illégalement via les réseaux de peer to peer est estimé à 760 millions par l’industrie du disque. Dans le même temps, le fait de mettre des barrières à la circulation des idées ou des innovations n’est pas toujours économiquement fondé et, dans bien des cas, de cette circulation naissent justement de nouvelles idées et de nouvelles innovations. L’exemple du logiciel libre ou encore du phénomène « wiki » sont deux exemples de la fécondité de l’échange sans contrainte des idées et des savoirs. Il y a donc un certain intérêt pour l’ensemble de l’économie et de la société à éviter que les règles en matière de propriété intellectuelle ne viennent brider la création et l’innovation. Comme le démontre l’écosystème du Web 2.0 fondé sur la collaboration et la participation actives des internautes, l’échange se bâtit en dehors du cadre classique de la propriété intellectuelle, sans que qui que ce soit ne songe à protéger le contenu de son blog ou à faire payer sa participation à la rédaction d’un article de Wikipédia. Tel est donc le paradoxe de la propriété intellectuelle dans l’économie de l’immatériel : elle en constitue un des fondements en protégeant les revenus de l’innovation mais, face à l’accélération des échanges intellectuels et le développement des réseaux, elle devient de plus en plus fragile.

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